2021-11-24

COATALEM, Jean-Luc : Nouilles froides à Pyongyang (review in French)

Ces notes ont été prises au jour le jour dans un (discret) carnet de poche lors d'un périple en Corée du Nord effectué au printemps 2011. Dégagé du souci illusoire d'embrasser la complexité d'un tel pays, affaire d'historiens ou d'observateurs spécialisés, mon propos se voulait plus modeste : raconter ce que l'on voit du « paradis rouge » ou plutôt ce qui, dans un cadre très contrôlé, en était dévoilé. En quelque sorte, un journal de voyage, attentif mais distant, amusé parfois, jamais dupe, dans ce royaume énigmatique dont un diplomate américain affirmait récemment que l'on en savait moins sur lui que sur nos galaxies lointaines.
Depuis, Kim Jong-il, le « Cher Leader », appelé aussi le « Cerveau parfait », a trouvé la mort en décembre 2011 dans son wagon blindé. Il a été remplacé par Kim Jong-un, son fils, trente ans à peine, un total inconnu, après des scènes d'hystérie collective qui ont fait le tour des écrans. Si, entre deux apparitions dans des parcs d'attractions, le jeune homme joufflu et souriant a semblé montrer un désir de réformes (il est vrai que son économie est laminée), celui qui est devenu le « Grand Successeur », autopromu général puis maréchal des armées, a poursuivi derechef les essais balistiques et le programme nucléaire de ses aînés. Qu'il ait épousé une ex-starlette de la pop, la jolie Ri Sol-ju, autorisé l'usage du vélo et les chaussures compensées pour les Nord-Coréennes, ne pèsent guère. A ce jour, ce changement calculé d'image n'affecte en rien sa politique de fond et l'assise de sa dynastie. Un étau de fer étrangle toujours ce pays reclus où, sous un régime parmi les plus répressifs du monde, derrière des frontières verrouillées, hérissées de miradors, la majorité de la population survit dans une prison à ciel ouvert.
 
 

Récit de voyage accompli par Coatalem et un de ses amis en Corée du Nord, ce livre commence par un compte-rendu parfois amusé de l'itinéraire hautement surveillé, chronométré et millimétré conçu par l'Etat pour le représentant d'une agence de voyage qu'il prétendait être. Foin de musées grandioses, de visites de villages ou de fêtes traditionnelles, la réalité est beaucoup plus sordide.
Les conditions de vie sont affreuses, la pénurie alimentaire se fait sentir pour (presque) tous, l'impression ressentie est que ce peuple vit la tête basse (ou au garde-à-vous), sans oser regarder autour de soi ou dire quoi que ce soit de peur des représailles. 
L'amusement tourne assez rapidement à la colère, voire à la dépression - forcément, raconter ce qui se passe sous une dictature n'est pas gai.
Je n'ai pas appris grand-chose que je ne savais déjà, mais étant donné les conditions dans lesquelles se sont déroulées ce voyage surveillé, j'en ai plus retenu une sensation d'étouffement. Coatalem, à la fin, pense d'ailleurs à ses guides/agents de surveillance en se demandant si ce livre ne va pas leur retomber dessus... 
Une anecdote : un jour, il lit un ouvrage qui tombe dans la baignoire. Le livre étant impossible à sauver, il le jette à la poubelle. Plus tard, sur la route, coup de fil, contrôle, pourquoi a-t-il laissé ce livre dans sa chambre, dans quelle intention ? Evidememnt, parce qu'il était mouillé et illisible. Mais, par mesure de prudence, l'ouvrage sera détruit.
 
"Quant aux livres du département français [du Palais des Etudes du Peuple, à côté des 50 oeuvres complètes reliées et traduites en diverses langues de Kim Jong-il], il nous a été déposé non sans fierté sur une table (conçue par Kim Jong-il en personne) un ouvrage sur la cuisine romande, un album à dos spiralé sur la botanique des Alpes, et un précis d'électromécanique pour les machines-outils, ce qui nous a peu servi."

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