2020-04-04

J.M. ERRE : Le bonheur est au fond du couloir à gauche

Un matin, au réveil, Michel est éconduit par Bérénice, la femme de sa vie rencontrée trois semaines auparavant. Grand dépressif, consommateur d'anxiolytiques et lecteur de Michel Houellebecq, il décide de reconquérir celle qu'il aime en douze heures. Elle lui a laissé des manuels de psychologie positive dans lesquels il espère trouver les clés pour résoudre l'objectif qu'il s'est fixé.


(Au moment où je publie cette critique, la parution de ce livre, prévue pour début avril, a été repoussée au 1er mai 2020)

Un grand merci à ma collègue V. pour m'avoir prêté ce roman : elle m'a dit avoir tout dévoré de cet auteur et rire aux éclats à chaque fois et effectivement, c'est pile le livre qu'il nous faut par ces temps moroses ! 

Au départ, j'avais posé ce bouquin sur ma table basse et quand j'ai vu mon compagnon, debout près de la table, le livre en main depuis plus d'un quart d'heure, en train de rigoler convulsivement, je me suis dit que ça augurait bien.
J'ai donc attaqué le livre dimanche soir et après toute ma littérature irlandaise et mes classiques de ces derniers temps, le style m'a semblé un peu bizarre mais sympathique.
Arrivée à : "dans les moments les plus noirs, quand je descends dans les sous-sols de la mélancolie, il n'y en a qu'un pour m'apporter du réconfort. Le meilleur d'entre tous. Le jeune président aux dents du bonheur qui annonçait l'arrivée du nouveau monde pendant la campagne 2017. Le remède ultime. Emmanuel. Dont le sens littéral est "Dieu est avec nous."", j'avoue que le capital sympathie du livre s'est envolé !
Plusieurs fois, je riais tellement en lisant que je m'interrompais pour lire à voix haute quelques passages pour en faire profiter ma famille.

Le personnage principal de cette histoire est complètement, mais alors complètement, shooté aux antidépresseurs de toutes sortes depuis ses 8 ans. Extrêmement curieux, il amasse énormément d'informations plus ou moins fiables qu'il interprète à sa sauce, de façon très surprenante, pour en tirer des leçons de vie qui changent souvent au fil de la journée. Et ce ne sont pas les sources proposant comment trouver le bonheur/l'amour qui manquent. Une information ? Hop, une réaction au quart de tour avant qu'il ait fini de la lire jusqu'au bout ! Il lit un peu plus ? Il repart en sens inverse !
Bref, il teste toutes les méthodes possibles et imaginables pour récupérer "sa" (?) Bérénice, au grand dam de ses voisins conservateurs qui réagissent de manière plus méfiante en espérant que ce cinglé finisse par déménager.

Enfin, Michel H. (non, pas le même, mais c'est un fan) finit par trouver sa solution au bonheur qui ne fait absolument pas partie des théories habituelles.
Bref, j'ai ri comme une malade jusqu'à la toute dernière phrase - totalement surprenante elle aussi !
Iconoclaste, inattendu, corrosif et déjanté !

"Le bonheur, c'est quand tu crois que ta deuxième vie est finie alors que la première n'a pas commencé (et vice versa)".

"Les disputes avec Bérénice sont rares, car j'ai élaboré une stratégie pour désamorcer les conflits. Si elle me reproche par exemple de "sans cesse ressasser les mêmes obsessions", je la déstabilise en valorisant la qualité sonore de sa phrase qui propose une allitération en [s] fort attrayante sur le plan auditif. Puis, avant de lui laisser le temps de répliquer, je lui fais remarquer que "ressasser" est le plus long palindrome de la langue française, un mot qui peut se lire dans les deux sens, comme dans un mouvement perpétuel qui mimerait l'action répétitive exprimée par le verbe lui-même. Etourdissante mise en abyme.
En général, Bérénice enchaîne sur l'idée que je devrais me faire "soigner". Réplique incisive, certes, mais que je contre en plaçant l'amusante constatation que "soigneur" est l'anagramme de "guérison", ce qui laisse votre antagoniste coi. Je peux alors enchaîner sur le constat plus étonnant encore que, par une malice lexicale propre à notre belle langue, l'adjectif "indolore" est l'anagramme de son antonyme "endolori". Amusant, n'est-il pas ?
A ce stade, un être humain normal conclut neuf fois sur dix par le peu inventif "pauvre type". C'est gagné."

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